A travers le temps et l'espace, couper les branches, nouer les ficelles, préparer et choisir les papiers.


OBSERVER, AIMER, ATTENDRE.

COURBES DE LUMIERE, INSPIR

GRAINES DE MEMOIRE, EXPIR

LA PIROGUE VOYAGEUSE LIBERE LES SEMENCES DE REVE,

PEPINS DE LA CREATION, RECREATION PLEINE D’ILLUSIONS.

Le Style

" La beauté oblige l'âme." Calaferte

Chacun d’entre nous a son style. Il surgit un jour à notre insu, des profondeurs de notre monde intérieur, coloré de nos croyances sensibles, spirituelles, philosophiques, acquises petit à petit.

Chaque arbre a son caractère. Celui-ci se transforme à chaque saison, selon les conditions météorologiques, géographiques, etc . Il n’est jamais le même. Pourtant les arbres, ensemble, constituent la forêt. Un tout bien défini. Et nous marchons à l’intérieur, parfois à l’ombre, parfois à la lumière, parfois égaré, parfois guidé par tel ou tel bruissement. Profondeur d’un silence tellement sonore. Approche du mystère.

La peau des Indiens étaient préparées avant d’être peinte, au cours de certains rituels. Peinture et sculpture n’étaient pas séparées de l’homme. Elles étaient directement sur eux et avec eux. Ils les animaient par leurs énergies propres. Placés aux 4 directions, pour mieux capter, envoûter, faire vivre ou mourir, gorgés des saisons à l’infini, ils devenaient aussi les balises d’un instant unique, celui qui les contient tous, cet instant sacré, passage entre la vie et la mort pour un autre voyage, peut-être…

J’aime composer des paysages et mes sculptures n’en sont que les éléments. Créer un paysage de sculptures, c’est reconnaître un lieu, le respecter. C’est donner un sens aux sculptures entre elles et favoriser leur dialogue avec le lieu lui- même. Alors, elles se chargent des regards de ceux qui les traversent. Créer, c’est donner la vie, c’est donner l’âme.

Pour moi, la sculpture tente de rendre visible le monde invisible de ma profondeur. Pour rendre compte de la force du mystère de la vie et de la mort. Si je remplis mes coupes de pétales de fleurs, d’ailes de papillon ou d’écorces,  c’est peut-être pour remercier la mort de m’épargner encore quelques instants de vie.  Peut-être que la sculpture est pour moi une tentative d’apprivoiser ou de me préparer à ce moment unique, pressenti comme libérateur d’énergie, source ou issue, inattendue parfois mais inévitable en tout cas.

Travailler avec la nature, c’est prendre le rythme des saisons depuis le premier jour. C’est prendre la force des Temps dont on ne sait plus les origines . Travailler avec la nature, c’est écouter, voir, sentir. C’est tenter d’exprimer ce qui  fait chanter sans vraiment le vouloir. C’est apprendre à savoir mourir pour mieux renaître.

Mis à jour (Lundi, 21 Novembre 2011 17:20)

 

Le Travail

«  Faire passer l’esprit dans la main et non le contraire. Je travaille d’abord d’après nature, après je travaille sans modèle, ainsi pour les feuilles de figuier. Je recommence jusqu’à ce que je sois absolument dans mon sentiment. » Matisse

L’atelier, en Morvan comme à Paris, s’emplit de branches, de ficelles, de pierre,de colles, de cires, de piments  broyés ou non, de cendre et de charbon. Au fur et à mesure des saisons ou des lunes, promenades et récoltes ne sont pas les mêmes.

Les branches

Elles sont taillées à la 7ème lune pour assurer au mieux leur conservation. Choisies  pour leur longueur, leur couleur, leur diamètre ou leur souplesse. Elles sont sélectionnées, alignées, courbées, passées au xylophène et mises en forme dans la grange où elles resteront jusqu’à l’été suivant. Est-ce moi qui leur donne l’idée d’une prochaine sculpture ou elles qui m’entraînent ? Fusion indispensable entre la main et la matière, entre la réalité et l’imaginaire entre l’illusion et la vérité.

Les bambous, eux, sont coupés à n’importe quel moment. Spectaculaires petites pousses de bambou, dont le diamètre de naissance est identique à celui des anciens de la même famille…Elles poussent si vite qu’on les voit s’allonger et se transformer en un répertoire de formes  inimaginables. ( Et en plus, délicieuses à manger toutes crues…)

Puis fabriquer les structures. Accoupler les branches. Les lier. Les couper . Les tordre. Les ficelles aussi ont leur caractère : lin ou chanvre, fines, noueuses, douces ou rêches.

J’ai aussi utilisé le grillage à moutons comme support . Il m’intéresse beaucoup pour les teintes de rouille  qu’il peut provoquer sur le papier tendu. Mais une ossature toute en bambou, symbole de la sagesse, quel plaisir pour les mains qui  agissent et  relient. L’entrecroiser de châtaignier avec lequel nos aïeuls fabriquaient les paniers…Quelle joie pour moi de marier  l’Orient et l’Occident, l’Ancien et le Nouveau Temps, de tenter l’Alliance… Parfois même la réussir…

Les papiers

Ils sont déroulés, venus de très loin, washi du Japon souple et tellement résistant, papyrus rugueux d’Afrique fort en couleur et en parfum, papier de soie ou de riz de Chine si transparent, papier encrés, teintés des cerfs volants du Bengali ou encore ces très vieux  papiers cristal, du temps où les fleuristes composaient des bouquets avec les fleurs des champs.

A dessiner, à coller, à déchirer, à enduire, à regarder, à froisser, à caresser, à jeter. Autant de gestes d’amour…

Et puis les pâtes, dans leurs seaux. Blanches, brunes, rousses, grises, noires ou bleues, parfumées à l’eucalyptus, à l’amande, à la résine de pin ou au  colophane. Pour leur donner force, brillance ou légèreté , selon. Autant de secrets des Anciens de partout, collectés dans mes précieux carnets au cours des voyages et mis en pratique à ma façon. Ne pas perdre leur savoir.

Alchimie de cette pâte, activée violemment dans l’eau, devenue transparence laiteuse, vibrée, passée sur le tamis, pressée à l’éponge, séchée au soleil pour s’effeuiller en « pages » toutes différentes…Reprendre à mon compte cette jouissance vieille de 3000 ans…Le papier se fait toujours de la même façon quand on le veut unique.

Mis à jour (Lundi, 21 Novembre 2011 17:19)

 

L'Atelier


« Dans un figuier aucune feuille n’est pareille à une autre, elles sont toutes différentes de formes. Cependant chacune crie : Figuier. » Matisse

Dehors, dans l’impasse, la vigne rousse tremble avec le vent. Quelques merles sifflent avec la pluie. Sous la verrière, dedans, la vigne, qui passe à travers, encore dorée, protégée;  quelques grappes de raisin noir, suspendues, légères.

Plus à l’intérieur, derrière la porte vitrée, autour de moi, les grandes branches d’automne, coupées dans la forêt pour les besoins de la dernière exposition bruissent comme la plume sur cette feuille. La nature dans tous ses états m’accompagne, m’envahit de ses couleurs, de ses parfums, de ses dessins.

Les lumières, les transparences… Dehors le soleil après l’ondée, illumine les feuillages qui sont dedans. Comme il y a des verres opaques, d’autres clairs, comme la vigne est ici et ailleurs, je la vois différemment et  me perds dans une rêverie « intérieur /extérieur » qui me réjouit. La jubilation est là. Me renvoit à mes forces  premières et me souffle : Continue… Rends au soleil ce que tu lui dois, participe de cette force de vie qui t’est donnée et qui anime tout être, végétal, minéral, animal.  (ce minuscule escargot dont la coquille porte déjà la spirale, ourlée, dessinée, parfaite, infinie, dont les cornes /antennes, hautes de 3 mm. vibrent et frissonnent à l’exploration du monde, glisse imperceptiblement  sur le brin d’herbe, guidé par je ne sais quel instinct, par je ne sais quelle étoile, tout à la joie d’être…Un pur chef d’œuvre.)

Et si l’homme tentait aussi le même chemin d’aventure, de délicatesse et d’amour…

S’il n’y avait pas de soleil, je ne connaîtrais pas le merveilleux déplacement des ombres ; s’il n’y avait pas de lune, je n’aurais jamais compris les 3 dimensions d’un volume et s’il n y avait pas de saisons, jamais je n’aurais su l’existence de toutes les couleurs.

La nature est œuvre d’art. Et je la porte en moi. Elle me nourrit chaque jour et je la remercie. En la transformant, je lui offre ma vie. Au  plus près de ma conscience grande ouverte, au plus près de mon jardin intérieur. Je le sème, je le plante, je l’arrose, je l’élague ou le  laisse faire. Les racines s’enfoncent, les fleurs s’épanouissent. Avec le Temps. Au fil du.

Chaque sculpture est une graine. Elle porte toute la terre et se métamorphose. Croissance de rêve, pour moi, pour l’autre, en devenir, tendue vers le ciel.

Pour mieux servir la poésie. Arbre de vie. Avec cette sensation si forte que chaque instant contient le Temps tout entier, que chaque feuille contient toute la forêt et que je ne suis qu’une passeuse en passage, mais dont le sort du monde peut dépendre.