J’aime composer des «paysages» et mes sculptures n’en sont que les éléments. Créer un paysage de sculptures, c’est reconnaître un lieu et le respecter. C’est donner un sens aux sculptures entre elles et favoriser leur dialogue avec le lieu lui-même. Mes sculptures sont différentes dans une abbaye romane ou dans un centre culturel très contemporain. En lumière naturelle ou artificielle. De jour ou de nuit. A l’intérieur ou à l’extérieur…


Les sculptures sont principalement en papier. Il est utilisé sous toutes ses formes (pâte de papier, papier recyclé ou fabriqué à l’atelier) et souvent identifié : lettres, c.v. périmés, écritures, papiers personnels, quotidiens et journaux du jour. La pulpe naturelle vient du Japon (Kozo), ou bien de France (coton ou chiffon), ou encore de Géorgie, Scandinavie ou Brésil (sciure de bois).
Les structures sont en bambou, en osier, en noisetier ou encore en châtaignier, saule ou frêne. Certaines écorces viennent du Canada ou d’Afrique…Les ficelles sont souvent celles des facteurs parisiens, négligées ou perdues…
Les pigments qui colorent les papiers dans la masse, sont toujours naturels : ocres de Roussillon, bleu à tracer des maçons de tous les pays (les plus beaux viennent du Portugal ou de la République Tchèque) ; pour les gris, j’utilise la cendre des feux de bois du Morvan et pour les noirs, la suie du poêle de l’atelier à Paris. L’or vient de Sicile et le blanc de Meudon.
Les colles sont à l’eau ou à l’amande. Parfois ce sont des colles d’os ou de peau ou encore des colles blanches. On y rajoute quelques gouttes d’essence de Mirbar pour la conservation et le parfum… Si j’utilise de la cire (pour le brillant, le parfum et l’imperméabilisation), c’est de la cire d’abeille appliquée à chaud comme les Romains qui enduisaient ainsi leurs bateaux avant de les mettre à la mer !).
Les sculptures en papier peuvent être merveilleusement solides, selon leur épaisseur et leur aspect de surface. Elles peuvent également être très fragiles et transparentes. Tout est possible…C’est selon…

J’aime utiliser les techniques recueillies ici ou là, parce qu’elles me donnent la force des Anciens. Elles me confortent dans mon identité et me permettent d’être un trait d’union entre le monde archaïque et ce monde moderne « épuisant de nouveauté ».


Lorsque vous verrez mon dossier, C.V., photos, vous comprendrez combien la « mise en paysage » de mes
« sculptures » est importante. Et, ce sont ces deux éléments complémentaires :…
- Making : fabrications d’objets en éléments naturels (branches, bambous, écorces, formant structures) et pâte de papier teintée dans la masse (pigments naturels, terre, suie, cendre etc)
- Spacing : mise en espace pour donner un « sens » entre les objets et le lieu qui les reçoit … qui enchantent ma vie et ma réflexion, poétique ou philosophique. Et pour favoriser une communication entre moi et les autres, l’exposition est indispensable.

Les sculptures (de 0,10m. à 7m. de hauteur ou de longueur) sont très légères et mobiles. Certaines sont suspendues. Elles sont destinées à créer des cheminements de découverte, de silence, d’étonnement et de réflexion. Articulées autour de deux mondes qui voudraient trouver l’harmonie :
- la terre/nature et ses couleurs
- le ciel/cosmos et ses transparences
L’être humain restant vertical, représenté par le public lui même, axé entre terre et ciel. Quand à la présence du Temps, elle est incontournable, inéxorable…
La visite du lieu d’exposition est indispensable plusieurs mois à l’avance. Le montage se fait en 2 ou 3 jours mais la lumière (naturelle ou non) est un travail très important à ne pas négliger.

POLSKA - journal de bord


" Il y a une fragilité dans ce travail qui n'est ni voulue, ni cherchée comme telle, mais qui correspond à la fragilité de l'existence, des sensations, des rencontres. Lunes, pirogues et vaisseaux, boucliers, coques, tombeaux,, il y a chez POLSKA, tout un inventaire léger du monde, des rêves et des obsessions. Avec tant de legereté que l'objet en perd importance et poids, et le geste sculptural son caractère péremptoire. restent une vie, une vitalité, un sens de l'urgence et de la continuité des choses poétiques, une manière d'être au monde sans embarrasser un monde déjà bien encombré de tant de choses superflues."

Yves Michaud " Artistes au féminin"


...Oui léger le papier, Rêveuse la pirogue, Et longue et pensive l'attente de la nature, Mais quelle urgence aussi, quand elle, Polska, s'y met! Et quel désir aussi...car c'est bien de cages d'amour qu'elle nous entoure!Qu'elle nous retient aussi, Attiré par les sucs et les parfums, on entre ici au son d'une cloche, et tout est prêt pour le voyage. Les jarres et les cornes d'abondance, les graines et les points d'amarrage.
Et à quelle guerre te prépares-tu? Quelle guerre ou quelles récoltes, quelles semences?

"C'est à toi de voir!" elle te dirait...

Parce que la fragilité de ces arceaux et, dans l'urgence aussi du mouvement pour les tordre, il y a la lente progression de chacune de nos vies, et la violence par laquelle on s'y rue, on s'y fond...

Mathilde Girard Exposition "Sol, sel, ciel" (Préface du catalogue)