Le Travail

«  Faire passer l’esprit dans la main et non le contraire. Je travaille d’abord d’après nature, après je travaille sans modèle, ainsi pour les feuilles de figuier. Je recommence jusqu’à ce que je sois absolument dans mon sentiment. » Matisse

L’atelier, en Morvan comme à Paris, s’emplit de branches, de ficelles, de pierre,de colles, de cires, de piments  broyés ou non, de cendre et de charbon. Au fur et à mesure des saisons ou des lunes, promenades et récoltes ne sont pas les mêmes.

Les branches

Elles sont taillées à la 7ème lune pour assurer au mieux leur conservation. Choisies  pour leur longueur, leur couleur, leur diamètre ou leur souplesse. Elles sont sélectionnées, alignées, courbées, passées au xylophène et mises en forme dans la grange où elles resteront jusqu’à l’été suivant. Est-ce moi qui leur donne l’idée d’une prochaine sculpture ou elles qui m’entraînent ? Fusion indispensable entre la main et la matière, entre la réalité et l’imaginaire entre l’illusion et la vérité.

Les bambous, eux, sont coupés à n’importe quel moment. Spectaculaires petites pousses de bambou, dont le diamètre de naissance est identique à celui des anciens de la même famille…Elles poussent si vite qu’on les voit s’allonger et se transformer en un répertoire de formes  inimaginables. ( Et en plus, délicieuses à manger toutes crues…)

Puis fabriquer les structures. Accoupler les branches. Les lier. Les couper . Les tordre. Les ficelles aussi ont leur caractère : lin ou chanvre, fines, noueuses, douces ou rêches.

J’ai aussi utilisé le grillage à moutons comme support . Il m’intéresse beaucoup pour les teintes de rouille  qu’il peut provoquer sur le papier tendu. Mais une ossature toute en bambou, symbole de la sagesse, quel plaisir pour les mains qui  agissent et  relient. L’entrecroiser de châtaignier avec lequel nos aïeuls fabriquaient les paniers…Quelle joie pour moi de marier  l’Orient et l’Occident, l’Ancien et le Nouveau Temps, de tenter l’Alliance… Parfois même la réussir…

Les papiers

Ils sont déroulés, venus de très loin, washi du Japon souple et tellement résistant, papyrus rugueux d’Afrique fort en couleur et en parfum, papier de soie ou de riz de Chine si transparent, papier encrés, teintés des cerfs volants du Bengali ou encore ces très vieux  papiers cristal, du temps où les fleuristes composaient des bouquets avec les fleurs des champs.

A dessiner, à coller, à déchirer, à enduire, à regarder, à froisser, à caresser, à jeter. Autant de gestes d’amour…

Et puis les pâtes, dans leurs seaux. Blanches, brunes, rousses, grises, noires ou bleues, parfumées à l’eucalyptus, à l’amande, à la résine de pin ou au  colophane. Pour leur donner force, brillance ou légèreté , selon. Autant de secrets des Anciens de partout, collectés dans mes précieux carnets au cours des voyages et mis en pratique à ma façon. Ne pas perdre leur savoir.

Alchimie de cette pâte, activée violemment dans l’eau, devenue transparence laiteuse, vibrée, passée sur le tamis, pressée à l’éponge, séchée au soleil pour s’effeuiller en « pages » toutes différentes…Reprendre à mon compte cette jouissance vieille de 3000 ans…Le papier se fait toujours de la même façon quand on le veut unique.

Mis à jour (Lundi, 21 Novembre 2011 17:19)